Traitements actuels et émergents pour les tumeurs neuroendocrines pulmonaires avancées : un guide à l'intention des patients

Traitements actuels et émergents pour les tumeurs neuroendocrines pulmonaires avancées : un guide à l'intention des patients

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Cette revue complète examine les traitements actuels et émergents pour les tumeurs neuroendocrines (TNE) pulmonaires avancées, qui représentent 1 à 2 % de tous les cancers du poumon. L'article détaille le rôle des analogues de la somatostatine, qui restent le traitement de première intention, tandis que des options plus récentes comme la thérapie par radionucléides des récepteurs peptidiques (TRRP) montrent des bénéfices significatifs, avec une survie sans progression atteignant 20 à 23 mois dans les études. Il est important de souligner que les thérapies combinées et les nouvelles thérapies ciblées alpha offrent des perspectives prometteuses pour les patients développant une résistance aux traitements existants, bien qu'une prise en charge prudente soit nécessaire en raison d'effets secondaires potentiels, notamment le syndrome myélodysplasique.

Traitements actuels et émergents des tumeurs neuroendocrines pulmonaires avancées : Guide complet pour les patients

Table des matières

Introduction : Comprendre les tumeurs neuroendocrines pulmonaires

Les tumeurs neuroendocrines (TNE) pulmonaires forment un groupe hétérogène de cancers qui se développent à partir de cellules neuroendocrines spécialisées. Elles couvrent un large spectre, allant des tumeurs carcinoïdes à croissance lente jusqu’aux formes très agressives comme le cancer bronchique à petites cellules. L’incidence des tumeurs carcinoïdes pulmonaires est en hausse, probablement grâce à l’amélioration des techniques de détection et au dépistage accru du cancer du poumon, avec un taux actuel d’environ 1,49 cas pour 100 000 personnes selon les données du registre SEER.

Ces tumeurs représentent 1 à 2 % de tous les cancers du poumon et 20 à 30 % de l’ensemble des tumeurs neuroendocrines. Cette augmentation a conduit à une meilleure sensibilisation et à un besoin urgent de développer davantage d’options thérapeutiques pour ce cancer rare. Cet article présente à la fois les traitements établis et les nouvelles approches prometteuses qui transforment la prise en charge des TNE pulmonaires avancées.

Les décisions thérapeutiques pour les formes avancées sont complexes et dépendent de multiples facteurs, notamment les symptômes, les comorbidités et l’étendue de la dissémination tumorale. Bien que de nombreux essais cliniques se soient concentrés sur les tumeurs neuroendocrines gastro-intestinales, leurs résultats sont souvent extrapolés aux TNE pulmonaires, offrant ainsi aux médecins davantage de données pour orienter leurs choix.

Classification et types tumoraux

Les tumeurs neuroendocrines pulmonaires sont classées selon le système 2022 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui distingue les formes bien différenciées et peu différenciées. Cette classification aide à prédire le comportement de la tumeur et détermine l’approche thérapeutique la plus adaptée.

Les tumeurs bien différenciées incluent :

  • Le carcinoïde typique (TNE de grade 1) – caractérisé par moins de 2 mitoses par 2 mm² et aucune nécrose
  • Le carcinoïde atypique (TNE de grade 2) – présentant 2 à 10 mitoses par 2 mm² et/ou une nécrose
  • Les carcinoïdes à index mitotique élevé et/ou index de prolifération Ki-67 élevé – morphologie de carcinoïde atypique avec plus de 10 mitoses par 2 mm² et/ou un Ki-67 supérieur à 30 %

Les tumeurs peu différenciées (carcinomes neuroendocrines) incluent :

  • Le carcinome bronchique à petites cellules – avec plus de 10 mitoses par 2 mm² et une morphologie caractéristique
  • Le carcinome neuroendocrine à grandes cellules – avec plus de 10 mitoses par 2 mm² et une morphologie à grandes cellules

Une autre entité importante est l’hyperplasie neuroendocrine pulmonaire idiopathique diffuse (DIPNECH), considérée comme une condition prémaligne pouvant survenir avec des carcinoïdes pulmonaires ou de façon isolée.

Options thérapeutiques actuelles

Plusieurs options s’offrent aux patients atteints de TNE pulmonaires avancées, le choix dépendant des caractéristiques tumorales, des symptômes et des facteurs individuels.

Analogues de la somatostatine (ASS)

Utilisés depuis les années 1980 pour contrôler les symptômes, les ASS restent le traitement de première intention des TNE avancées. Ils agissent en ciblant le récepteur de la somatostatine 2 (SSTR2), exprimé dans 92 % des TNE pulmonaires, avec une expression maximale dans les carcinoïdes typiques.

Bien que les données prospectives spécifiques aux carcinoïdes pulmonaires soient limitées, les résultats d’autres types de TNE orientent le traitement :

  • L’essai PROMID a montré une amélioration de la survie sans progression avec l’octréotide LAR par rapport au placebo dans les TNE du grêle
  • L’essai CLARINET a démontré un bénéfice similaire avec le lanréotide dans les TNE gastro-entéro-pancréatiques

Les données spécifiques aux TNE pulmonaires proviennent d’études rétrospectives et d’un essai prospectif :

  • Une étude rétrospective de 30 patients métastatiques a rapporté une survie globale à 5 ans de 53 % et une survie sans progression de 11 mois sous ASS en première ligne
  • Une autre revue portant sur 61 patients a observé une survie globale de 58,4 mois et une survie sans progression de 17,4 mois
  • L’essai randomisé de phase III SPINET a montré une amélioration de la survie sans progression (16,6 vs 13,6 mois) et un taux de réponse objective de 14 % avec le lanréotide

Les patients avec carcinoïdes typiques présentaient une meilleure médiane de survie sans progression (21,9 mois) que ceux avec carcinoïdes atypiques (14,1 mois). Les recommandations du NCCN préconisent les ASS en première intention.

Thérapie par radionucléides des récepteurs peptidiques (TRRP)

La TRRP constitue une avancée majeure pour les patients présentant des tumeurs SSTR2-positives. Le 177Lu-DOTATATE, approuvé par la FDA en 2018 pour les TNE gastro-entéro-pancréatiques sur la base de l’essai NETTER-1, est le plus utilisé.

Principaux résultats :

  • NETTER-1 a montré une amélioration spectaculaire de la survie sans progression (non atteinte vs 8,4 mois) avec le 177Lu-DOTATATE comparé à l’octréotide à haute dose
  • Une analyse actualisée a rapporté une survie globale de 48 mois contre 36,3 mois (différence non significative en raison des crossover)
  • Le taux de survie sans progression à 20 mois était de 65,2 % dans le groupe TRRP contre 10,8 %

Les études spécifiques aux TNE pulmonaires sont encourageantes :

  • Une étude néerlandaise incluant 443 patients (dont 23 avec TNE bronchiques) a observé une médiane de survie sans progression de 20 mois et une survie globale de 52 mois dans le sous-groupe bronchique
  • Une analyse rétrospective de 25 patients a rapporté une médiane de survie sans progression de 17 mois et une survie globale de 42 mois
  • Une autre revue de 48 patients a montré des médianes de survie sans progression de 23 mois et 59 mois selon les centres

Généralement bien tolérée, la TRRP peut entraîner des effets indésirables de grade 3/4 tels que la lymphopénie (9 %) et les vomissements (7 %), avec un risque de 2 % de syndrome myélodysplasique. Elle fait désormais partie des options standard selon le NCCN.

Évérolimus

L’évérolimus inhibe la voie mTOR, impliquée dans la croissance et la prolifération cellulaires. Son approbation pour les carcinoïdes pulmonaires repose sur les essais RADIANT :

  • RADIANT-2, incluant 44 patients pulmonaires parmi 429 participants, a montré une amélioration de la survie sans progression avec l’évérolimus (16,4 vs 11,3 mois globalement ; 13,7 vs 5,6 mois dans la cohorte pulmonaire)
  • RADIANT-4 a confirmé un bénéfice significatif (11 vs 3,9 mois), y compris dans la cohorte pulmonaire

L’essai de phase II LUNA a testé l’évérolimus seul et en association avec le pasiréotide chez 124 patients (dont 116 avec carcinoïdes pulmonaires). La combinaison a donné les meilleurs résultats avec une survie sans progression de 16,5 mois, contre 12,5 mois avec l’évérolimus seul et 8,4 mois avec le pasiréotide seul. Les effets indésirables de grade 3/4 incluaient l’hyperglycémie (22 %), la stomatite (10 %) et la diarrhée (7 %).

Options de chimiothérapie

La chimiothérapie joue un rôle important, en particulier pour les tumeurs agressives ou sans expression des récepteurs de la somatostatine :

Régimes à base de platine :

  • Souvent utilisés pour les carcinoïdes atypiques, plus agressifs
  • Une revue rétrospective de 18 patients a rapporté un taux de réponse de 20 % avec une chimiothérapie à base d’étoposide
  • Une autre étude portant sur 39 patients a observé une réponse chez 19 % des patients

Témozolomide et Capécitabine (CAPTEM) :

  • Présente un effet synergique avec des taux de réponse d’environ 30 %
  • Une étude rétrospective de 20 patients a montré un taux de réponse objective de 30 %, une survie sans progression de 13 mois et une survie globale de 68 mois
  • Un essai de phase II a rapporté une survie sans progression de 22 mois dans le sous-groupe pulmonaire
  • La monothérapie par témozolomide chez 31 patients a donné une survie sans progression de 5,3 mois et une survie globale de 23,2 mois

La durée optimale du traitement reste incertaine en l’absence de données prospectives, et le risque de syndrome myélodysplasique doit être pris en compte, surtout après une TRRP.

Thérapies émergentes et expérimentales

Plusieurs approches novatrices sont en développement pour améliorer le pronostic des patients.

Thérapie alpha ciblée (TAC)

La TAC vise à surmonter la résistance aux TRRP actuels. Contrairement aux émetteurs bêta comme le 177Lu-DOTATATE, les émetteurs alpha délivrent une radiation plus énergétique sur une courte distance, endommageant spécifiquement les cellules cancéreuses tout en épargnant les tissus sains.

Trois radionucléides sont à l’étude :

  1. 213Bi – Demi-vie très courte (45 minutes) nécessitant une production sur site, mais efficacité prometteuse
  2. 225Ac
  3. 212Pb – Autre émetteur alpha prometteur

Les preuves préliminaires sont encourageantes :

  • Des études in vitro montrent que le 213Bi-DOTATOC est plus efficace que le 177Lu-DOTATOC pour éliminer les cellules cancéreuses
  • Un cas clinique décrit un patient de 40 ans avec carcinoïde pulmonaire en réponse partielle pendant 34 mois après 5 cycles de 213Bi-DOTATOC suite à une progression
  • La phase 1b de l’essai ACTION-1 a montré une bonne tolérance à 120 kBq/kg de 225Ac-DOTATATE

Cette approche minimise les effets systémiques tout en délivrant une radiation ciblée puissante.

Approches d'immunothérapie

Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires ont eu un succès limité dans les TNE hors cancer bronchique à petites cellules, mais les combinaisons semblent prometteuses :

Résultats initiaux décevants :

  • Un essai de phase II avec le pembrolizumab chez 29 patients TNE de grade 3 non pulmonaires a montré un taux de réponse de seulement 3,4 %
  • L’essai DART SWOG 1609 associant nivolumab et ipilimumab a rapporté un taux de réponse globale de 25 %, mais 0 % dans les tumeurs de bas/grade intermédiaire
  • L’essai CA209-538 a observé un taux de réponse de 24 %, avec un bénéfice maximal dans les tumeurs de haut grade
  • Le spartalizumab a montré un taux de réponse de 7,4 % dans les TNE, meilleur dans les tumeurs thoraciques (16,7 %)

Approche combinatoire prometteuse :

  • Un essai de phase II associant nivolumab et témozolomide a donné des résultats significativement meilleurs
  • Taux de réponse globale de 32,1 % chez tous les patients TNE
  • Les patients avec TNE pulmonaires ont présenté un taux de réponse de 64 %
  • Survie sans progression de 11,1 mois et survie globale de 32 mois
  • Le témozolomide pourrait rendre les tumeurs plus visibles pour le système immunitaire

Ces résultats suggèrent que les combinaisons pourraient surmonter le microenvironnement immunitaire « froid » typique des TNE pulmonaires.

Stratégies de traitement combiné

Les chercheurs explorent de plus en plus les associations thérapeutiques pour améliorer l’efficacité.

Essai ATLANT :

  • A associé le témozolomide et la lanréotide dans les carcinomes pulmonaires avancés et les TNE thymiques
  • A montré un taux de contrôle de la maladie de 45 %, statistiquement significatif
  • 65,8 % des patients avaient une maladie stable
  • Survie médiane sans progression de 37,1 semaines
  • Bonne tolérance, avec seulement 5 % d’effets indésirables de grade 3 ou plus

Essai LUNA :

  • A comparé l’évérolimus seul, le pasiréotide seul et leur combinaison
  • La combinaison a donné les meilleurs résultats (survie sans progression de 16,5 mois)
  • Les taux de survie sans progression à 9 mois étaient de 58,5 % (combinaison) contre 39 % (pasiréotide) et 33,3 % (évérolimus)

Ces études suggèrent que l’association de traitements aux mécanismes complémentaires pourrait offrir un meilleur contrôle de la maladie.

Considérations cliniques importantes

Plusieurs facteurs doivent guider les décisions thérapeutiques pour les TNE pulmonaires avancées :

Prise en charge multidisciplinaire : Une évaluation par une équipe pluridisciplinaire est essentielle pour une planification optimale, garantissant que toutes les options, y compris les essais cliniques, sont envisagées.

Caractéristiques tumorales : Les choix doivent tenir compte :

  • Du grade et de la différenciation tumorale
  • De l’expression des récepteurs à la somatostatine
  • De l’index de prolifération Ki-67
  • Du taux de progression
  • De la présence et de la sévérité des symptômes

Séquencement des traitements : L’ordre d’administration est crucial, notamment en raison du risque de syndrome myélodysplasique avec les chimiothérapies alkylantes (comme le témozolomide) après une TRRP.

Essais cliniques : Compte tenu de la rareté de ces tumeurs, la participation à des essais cliniques permet d’accéder à des traitements innovants et contribue aux avancées thérapeutiques.

Approche personnalisée : Le traitement doit être adapté à l’âge, à l’état de santé général, aux comorbidités et aux préférences du patient concernant l’intensité du traitement et la tolérance.

Informations sur la source

Titre de l’article original : Stratégies actuelles et émergentes pour la prise en charge des tumeurs neuroendocrines pulmonaires avancées/métastatiques

Auteurs : Megan Rutherford, Margaret Wheless, Katharine Thomas, Robert A. Ramirez

Publication : Current Problems in Cancer, Volume 49 (2024) 101061

Note : Cet article adapté aux patients s’appuie sur des recherches évaluées par des pairs et vise à rendre le contenu scientifique accessible tout en conservant son exactitude. Toutes les données numériques, résultats d’études et conclusions cliniques proviennent de la publication originale.