Chimiothérapie Hyperthermique Intrapéritonéale Pendant la Chirurgie des Cancers Abdominaux : Ce que les Patients Doivent Savoir

Chimiothérapie Hyperthermique Intrapéritonéale Pendant la Chirurgie des Cancers Abdominaux : Ce que les Patients Doivent Savoir

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Cette revue exhaustive de huit essais cliniques révèle que l’ajout d’une chimiothérapie chauffée pendant l’intervention (chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique, ou CIHP) présente des bénéfices variables selon le type de cancer. Chez les patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire à un stade avancé, la CIHP associée à la chirurgie et à la chimiothérapie améliore probablement la survie. En revanche, pour le cancer colorectal, elle n’apporte pas de gain de survie par rapport à la chirurgie et à la chimiothérapie seules, tout en augmentant les risques de complications. Enfin, pour le cancer gastrique, les données restent trop incertaines pour conclure à un bénéfice clair de la CIHP.

Chimiothérapie Hyperthermique Intrapéritonéale Pendant la Chirurgie des Cancers Abdominaux : Ce que les Patients Doivent Savoir

Table des Matières

Contexte : Comprendre les Métastases Péritonéales

Les métastases péritonéales se produisent lorsque le cancer s’étend à la paroi de la cavité abdominale (le péritoine). Cette évolution est fréquente dans les cancers colorectaux, ovariens et gastriques, touchant entre 8 et 50 % des patients concernés. Malheureusement, ces métastases sont généralement associées à un pronostic plus défavorable que lorsque le cancer se propage à d’autres organes comme le foie ou les poumons.

Historiquement, les patients atteints de métastases péritonéales avaient peu d’options thérapeutiques, avec une survie médiane allant de 6 à 24 mois seulement. Le traitement standard reposait sur une chimiothérapie systémique (administrée dans l’ensemble du corps), seule ou associée à une chirurgie de cytoréduction (CCR), qui vise à éliminer toutes les lésions cancéreuses visibles.

Une approche plus intensive, appelée chirurgie de cytoréduction associée à une chimiothérapie intrapéritonéale hyperthermique peropératoire (CCR + CHIP), consiste à retirer chirurgicalement les tumeurs visibles, puis à perfuser des médicaments de chimiothérapie chauffés directement dans la cavité abdominale. La chaleur (généralement à 42 °C/107,6 °F) peut renforcer l’efficacité de la chimiothérapie contre les cellules cancéreuses résiduelles microscopiques.

Ce traitement comporte des risques importants, avec des taux de complications majeures de 10 à 15 % et des coûts variant de 20 000 à 80 000 $ par patient. Compte tenu de ces risques et coûts élevés, il est essentiel de déterminer si la CHIP apporte des bénéfices significatifs aux patients.

Méthodologie de l'Étude

Les chercheurs ont réalisé une revue systématique de tous les essais contrôlés randomisés disponibles (considérés comme l’étalon-or en recherche médicale) publiés jusqu’au 14 avril 2022. Ils ont interrogé plusieurs bases de données médicales, notamment MEDLINE, EMBASE et Cochrane Library, pour identifier toutes les études pertinentes.

L’analyse a inclus huit essais randomisés portant sur 955 participants répartis dans sept études (un essai n’a pas pu être inclus dans l’analyse numérique en raison de la présentation des données). Les études comparaient différentes approches thérapeutiques :

  • CCR + CHIP + chimiothérapie systémique versus CCR + chimiothérapie systémique
  • CCR + CHIP + chimiothérapie systémique versus chimiothérapie systémique seule

Les chercheurs ont évalué la qualité des études selon des normes rigoureuses (outil ROB 2.0) et la fiabilité des preuves selon la méthodologie GRADE. Ils ont analysé les données sur la survie, les effets indésirables graves, la qualité de vie et le délai jusqu’à progression de la maladie.

La plupart des comparaisons ne reposaient que sur un seul essai, sauf pour le cancer ovarien qui en comptait trois. Cela a limité la possibilité de combiner les résultats de plusieurs études pour certains types de cancer.

Résultats pour le Cancer Gastrique (Estomac)

Les preuves concernant les métastases péritonéales du cancer gastrique restent très incertaines. Un essai portant sur 68 participants a fourni des données analysables, tandis qu’un autre essai avec 105 participants n’a pas pu être inclus dans l’analyse numérique mais n’a rapporté aucune différence de survie entre les groupes de traitement.

Pour CCR + CHIP + chimiothérapie systémique versus CCR + chimiothérapie systémique, les preuves ont été jugées de très faible fiabilité. L’effet estimé montrait un rapport de risque de 0,38 (IC 95 % 0,21 à 0,70), suggérant une possible réduction de la mortalité avec la CHIP, mais la forte incertitude empêche de tirer des conclusions solides.

De même, les effets indésirables graves présentaient un risque relatif de 1,25 (IC 95 % 0,37 à 4,26), indiquant une possible augmentation des complications avec la CHIP, mais là encore avec des preuves de très faible fiabilité.

Pour CCR + CHIP + chimiothérapie systémique versus chimiothérapie systémique seule, un seul petit essai avec 17 participants était disponible. Il suggérait que la CHIP pourrait réduire la mortalité (rapport de risque 0,40, IC 95 % 0,30 à 0,52), mais la très petite taille de l’échantillon génère une forte incertitude.

Résultats pour le Cancer Ovarien

Pour les femmes atteintes d’un cancer épithélial de l’ovaire de stade III ou plus nécessitant une chirurgie de cytoréduction intervalaire (chirurgie après chimiothérapie initiale), les preuves soutiennent fortement l’intérêt de la CHIP.

En combinant les données de trois essais portant sur 500 participantes, les chercheurs ont constaté que CCR + CHIP + chimiothérapie systémique diminue probablement la mortalité toutes causes confondues par rapport à CCR + chimiothérapie systémique seule. Le rapport de risque était de 0,73 (IC 95 % 0,57 à 0,93), ce qui se traduit par une mortalité de 46,3 % dans le groupe CHIP contre 57,4 % dans le groupe chirurgie-plus-chimiothérapie seule sur un suivi de 32 à 70 mois.

Concernant la qualité de vie, un essai avec 71 participantes n’a trouvé que peu ou pas de différence entre les groupes (différence moyenne 4,85, IC 95 % -7,74 à 17,44 sur une échelle de 0 à 100).

Pour les effets indésirables graves :

  • La proportion de personnes présentant des effets indésirables graves ne montrait pas de différence significative (26,7 % avec CHIP vs 25,2 % sans ; risque relatif 1,06, IC 95 % 0,73 à 1,54)
  • Cependant, le nombre d’effets indésirables graves par participante était plus élevé avec la CHIP (41,4 événements pour 100 participantes vs 32,6 événements ; rapport de taux 1,27, IC 95 % 1,09 à 1,49)

Le délai jusqu’à progression de la maladie favorisait également le groupe CHIP avec un rapport de risque de 0,73 (IC 95 % 0,60 à 0,89), signifiant que les patientes ont connu des périodes plus longues avant l’aggravation de leur cancer.

Résultats pour le Cancer Colorectal

Pour les métastases péritonéales du cancer colorectal, les résultats présentent une image plus complexe qui dépend du traitement auquel la CHIP est comparée.

Lors de la comparaison CCR + CHIP + chimiothérapie systémique versus CCR + chimiothérapie systémique (sans CHIP), un large essai avec 265 participants a constaté :

  • Aucune différence de mortalité toutes causes confondues (rapport de risque 1,00, IC 95 % 0,63 à 1,58 ; mortalité de 60,6 % dans les deux groupes sur 64 mois)
  • Une augmentation des effets indésirables graves avec la CHIP (25,6 % vs 15,2 % ; risque relatif 1,69, IC 95 % 1,03 à 2,77)
  • Aucune différence dans le délai jusqu’à progression de la maladie (rapport de risque 0,91, IC 95 % 0,72 à 1,16)

Cependant, lors de la comparaison CCR + CHIP + chimiothérapie systémique versus chimiothérapie systémique seule, un essai avec 105 participants a constaté :

  • Une probable diminution de la mortalité avec la CHIP (rapport de risque 0,55, IC 95 % 0,32 à 0,95 ; mortalité de 40,8 % avec CHIP vs 60,8 % avec chimiothérapie seule sur 22 mois)

Interprétation des Résultats

Les résultats suggèrent des recommandations thérapeutiques différentes selon le type de cancer. Pour les patientes atteintes d’un cancer ovarien avancé subissant une chirurgie de cytoréduction intervalaire, CCR + CHIP + chimiothérapie systémique devrait probablement être considéré comme le standard de soin, compte tenu du bénéfice de survie démontré dans plusieurs essais.

Pour le cancer colorectal, l’ajout de la CHIP à CCR + chimiothérapie systémique ne semble pas améliorer la survie mais augmente les risques de complications. Cependant, l’association CCR + CHIP + chimiothérapie systémique semble supérieure à la chimiothérapie systémique seule. Cela suggère que la chirurgie reste importante, mais la valeur ajoutée de la CHIP est discutable pour la plupart des patients colorectaux.

Pour le cancer gastrique, les preuves restent trop incertaines pour formuler des recommandations fermes. Les données limitées et contradictoires signifient que les patients ne devraient envisager la CHIP que dans le cadre d’essais cliniques permettant de recueillir des données supplémentaires.

Les chercheurs ont abordé les controverses autour de l’essai PRODIGE-7 (la principale étude sur le cancer colorectal), expliquant pourquoi ils estiment que ses résultats devraient guider la pratique malgré certaines critiques d’experts. Ils ont souligné qu’il s’agissait d’un essai de haute qualité avec une méthodologie appropriée.

Limites de l'Étude

Cette revue présente plusieurs limites importantes que les patients doivent comprendre. La plupart des comparaisons n’incluaient qu’un seul essai par type de cancer (sauf pour le cancer ovarien), ce qui limite la solidité des conclusions. Les preuves pour le cancer gastrique étaient particulièrement rares et incertaines.

De plus, les études utilisaient différents médicaments de chimiothérapie et protocoles pour la CHIP, incluant :

  • Mitomycine C
  • Oxaliplatine avec 5-fluorouracile
  • Cisplatine

Cette variation rend difficile la détermination de l’efficacité relative des médicaments ou protocoles spécifiques. Les chercheurs n’ont pas pu réaliser les analyses de sous-groupes prévues en raison de données insuffisantes.

Les données sur la qualité de vie étaient limitées, disponibles uniquement pour le cancer ovarien, ce qui est une considération importante pour les patients pesant les options thérapeutiques et les effets secondaires potentiels.

Recommandations aux Patients

Sur la base de cette revue complète, les patients devraient considérer les recommandations suivantes :

  1. Pour le cancer ovarien avec métastases péritonéales : Discutez de CCR + CHIP + chimiothérapie systémique avec votre équipe soignante, car cela semble procurer des bénéfices de survie pour la maladie avancée nécessitant une chirurgie de cytoréduction intervalaire.
  2. Pour le cancer colorectal avec métastases péritonéales : CCR + chimiothérapie systémique devrait être le standard de soin. La CHIP ne devrait être envisagée que dans des cadres de recherche ciblant des sous-groupes spécifiques de patients ou des protocoles thérapeutiques particuliers.
  3. Pour le cancer gastrique avec métastases péritonéales : Les preuves restent trop incertaines pour recommander la CHIP en dehors des essais cliniques permettant de recueillir davantage de données.
  4. Pour tous les patients : Discutez à la fois des bénéfices potentiels et des risques d’augmentation des effets indésirables graves avec la CHIP. Envisagez de vous faire soigner dans des centres à haut volume d’activité ayant de l’expérience dans ces procédures complexes, car les taux de complications sont significativement plus bas dans les centres spécialisés.
  5. Participez à une décision partagée avec votre équipe d’oncologie, en considérant votre situation individuelle, vos valeurs et vos préférences lors du choix parmi les options thérapeutiques.

Informations sur la Source

Titre de l'Article Original : Cytoreductive surgery plus hyperthermic intraoperative peritoneal chemotherapy for people with peritoneal metastases from colorectal, ovarian or gastric origin: A systematic review of randomized controlled trials

Auteurs : Kurinchi Gurusamy, Jeffrey Leung, Claire Vale, Danielle Roberts, Audrey Linden, Xiao Wei Tan, Priyal Taribagil, Sonam Patel, Elena Pizzo, Brian Davidson, Mark Saunders, Omer Aziz, Sarah T. O'Dwyer

Publication : World Journal of Surgery, 2024;48:1385–1403

DOI : 10.1002/wjs.12186

Cet article adapté aux patients est basé sur une recherche évaluée par des pairs financée par le National Institute for Health and Care Research (Royaume-Uni) et le United Kingdom Research and Innovation Medical Research Council.