Une nouvelle approche thérapeutique pour l'hypertension résistante : les inhibiteurs de l'aldostérone synthase. A106

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Cette synthèse détaille l'efficacité d'une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs de l'aldostérone synthase, dans la prise en charge de l'hypertension résistante. L'essai BaxHTN a montré que le baxdrostat réduisait la pression artérielle systolique de 8,7 à 9,8 mm Hg par rapport au placebo, avec 39 à 40 % des patients atteignant une pression contrôlée. Ces molécules se distinguent des traitements existants en ciblant spécifiquement la production d'aldostérone, tout en évitant des effets indésirables problématiques tels que la suppression du cortisol.

Une nouvelle approche thérapeutique de l’hypertension résistante : les inhibiteurs de l’aldostérone synthase

Table des matières

Introduction : Comprendre l’hypertension résistante

L’hypertension résistante est une pathologie grave caractérisée par une pression artérielle élevée malgré la prise de plusieurs médicaments. Elle est définie par une pression artérielle persistante ≥ 140/90 mm Hg sous au moins trois antihypertenseurs à doses maximales, dont un diurétique. Cette condition touche environ 10 % des patients hypertendus et augmente significativement le risque d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral et d’autres complications cardiovasculaires.

Le fardeau mondial de l’hypertension résistante est considérable, ces patients présentant un risque disproportionné de complications graves. Après exclusion des causes de pseudo-résistance (mesures incorrectes) et des hypertensions secondaires, la véritable hypertension résistante correspond souvent à un état de rétention sodique à faible rénine. Cela signifie que l’organisme retient excessivement le sodium en raison d’une production inappropriée d’aldostérone.

Défis actuels du traitement

Les patients atteints d’hypertension résistante reçoivent généralement des antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes (ARM) comme la spironolactone ou l’éplérénone. Ces médicaments bloquent les effets de l’aldostérone, mais leur utilisation est limitée par plusieurs facteurs :

  • Hyperkaliémie : risque d’augmentation dangereuse du potassium sanguin
  • Sécurité réduite en cas d’insuffisance rénale : efficacité et tolérance diminuées chez les patients atteints de néphropathie avancée
  • Effets indésirables hormonaux : notamment avec la spironolactone, pouvant provoquer des perturbations endocriniennes
  • Augmentation compensatoire : stimulation de la production d’aldostérone, avec des conséquences potentielles

Ces limitations soulignent la nécessité de nouvelles options thérapeutiques permettant un contrôle tensionnel efficace sans ces inconvénients majeurs.

Une nouvelle approche : l’inhibition de l’aldostérone synthase

Les inhibiteurs de l’aldostérone synthase représentent une approche fondamentalement différente. Au lieu de bloquer les récepteurs de l’aldostérone comme les ARM, ces médicaments inhibent directement l’enzyme responsable de sa production. Cette stratégie présente plusieurs avantages potentiels.

Les premières tentatives de développement ont été entravées par la similarité structurelle entre l’aldostérone synthase (CYP11B2) et la 11β-hydroxylase (CYP11B1), enzyme essentielle à la production de cortisol. Des recherches avancées ont toutefois identifié des différences au niveau des sites actifs, permettant la conception de molécules ciblant spécifiquement l’aldostérone sans affecter le cortisol.

Grâce à une optimisation chimique rigoureuse, des inhibiteurs sélectifs comme le baxdrostat et le lorundrostat ont été développés. Ils suppriment directement la production d’aldostérone, ce qui permet de :

  • Réduire la rétention hydrosodée
  • Diminuer l’activité des récepteurs des minéralocorticoïdes
  • Limiter la réabsorption rénale du sodium
  • Favoriser la natriurèse
  • Atténuer la fibrose, les lésions vasculaires et rénales induites par l’aldostérone
  • Éviter les effets liés au cortisol

Conception de l’essai BaxHTN

L’essai BaxHTN visait à évaluer l’efficacité du baxdrostat, un inhibiteur sélectif de l’aldostérone synthase, chez des adultes présentant une hypertension non contrôlée ou résistante. Les participants recevaient déjà au moins deux antihypertenseurs, dont un diurétique.

Près de 90 % des patients prenaient un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II), presque tous un diurétique, et beaucoup un inhibiteur calcique. L’étude évaluait ainsi le baxdrostat en complément des traitements standards.

L’essai comprenait quatre phases sur une période étendue :

  1. Phase 1 : essai randomisé en double insu de 12 semaines comparant baxdrostat 1 mg, 2 mg et placebo
  2. Phase 2 : phase ouverte de 12 semaines pour recueillir des données de sécurité et préparer la phase 3
  3. Phase 3 : phase de sevrage randomisée de 8 semaines (semaines 32 à 52) évaluant l’arrêt du traitement
  4. Phase 4 : phase ouverte de 20 semaines en cours pour évaluer la sécurité de la dose de 2 mg

Le critère principal était la variation de la pression artérielle systolique en position assise entre le début de l’étude et la semaine 12.

Principaux résultats de l’essai BaxHTN

L’essai BaxHTN a montré des résultats significatifs. Après 12 semaines, les patients sous baxdrostat ont présenté des réductions tensionnelles substantielles par rapport au placebo.

La réduction corrigée de la pression artérielle systolique était de -8,7 mm Hg avec 1 mg et de -9,8 mm Hg avec 2 mg, à partir d’une pression initiale moyenne de 149/87 mm Hg. Ces améliorations étaient observables dès la 4ᵉ semaine et maintenues jusqu’à la 12ᵉ semaine.

Le pourcentage de patients atteignant une pression artérielle contrôlée (PAS < 130 mm Hg) à la semaine 12 était :

  • 39,4 % avec baxdrostat 1 mg
  • 40,0 % avec baxdrostat 2 mg
  • 18,7 % avec le placebo

Soit plus du double de patients contrôlés sous baxdrostat. La phase de sevrage n’a montré qu’une remontée progressive de la pression artérielle, avec un effet rebond minimal.

Les analyses exploratoires ont confirmé une corrélation entre la baisse tensionnelle, la réduction de l’aldostérone et l’augmentation de l’activité rénine plasmatique. Les mesures ambulatoires sur 24 heures concordaient avec les mesures au cabinet.

Profil de sécurité et effets indésirables

Le profil de sécurité du baxdrostat est crucial pour son utilisation clinique. La plupart des anomalies électrolytiques sont survenues dans les deux premières semaines, permettant une prise en charge précoce.

Une hyperkaliémie confirmée (> 6,0 mmol/L) a été observée chez 1,1 % des patients sous baxdrostat, contre 0 % sous placebo. Les arrêts de traitement pour hyperkaliémie étaient rares.

Une hyponatrémie (< 135 mmol/L) est survenue chez 19 à 23 % des patients sous baxdrostat, mais rarement sévère. Une baisse précoce du DFGe d’environ 7 ml/min/1,73 m² a été observée, réversible à l’arrêt du traitement.

Ces modifications, prévisibles et gérables, suggèrent un rapport bénéfice/risque favorable sous surveillance adaptée, notamment pour la dose de 1 mg.

Implications cliniques pour les patients

L’essai BaxHTN apporte trois messages clés :

Premièrement, le baxdrostat abaisse significativement la pression artérielle systolique d’environ 9-10 mm Hg par rapport au placebo, un effet comparable à celui de la spironolactone, en complément des traitements standards.

Deuxièmement, les modifications biochimiques (potassium, sodium, DFGe) surviennent précocement et sont gérables par une surveillance biologique aux semaines 1-2 et 4.

Troisièmement, la remontée modérée de la pression artérielle lors du sevrage suggère un possible réajustement physiologique, pouvant indiquer un contrôle tensionnel plus stable à long terme.

Comparaison avec les traitements existants

Les ARM, notamment la spironolactone, restent recommandés dans l’hypertension résistante. Cependant, les inhibiteurs de l’aldostérone synthase offrent des avantages distincts.

Contrairement aux ARM, qui augmentent la rénine et l’aldostérone, ces nouveaux inhibiteurs suppriment directement la production d’aldostérone, complétant ainsi les stratégies de blocage du système rénine-angiotensine-aldostérone.

Leur effet natriurétique est particulièrement pertinent chez les patients âgés, obèses ou insuffisants rénaux. En réduisant la réabsorption sodique, ils potentialisent l’action des diurétiques, des ARM, des iSGLT2 et des inhibiteurs de la néprilysine, offrant une option synergique et mécanistiquement distincte.

Limites de l’étude

Plusieurs limites doivent être considérées : les observations sur les modifications électrolytiques et le DFGe restent hypothétiques ; la durée de l’essai peut être insuffisante pour évaluer les effets à long terme ; la population ciblée (hypertension résistante sous polythérapie) limite la généralisation des résultats.

La comparaison avec les ARM est indirecte, et le risque d’anomalies électrolytiques nécessite une surveillance attentive, pouvant poser des défis pratiques en routine.

Perspectives et recommandations futures

Les prochaines étapes incluront l’identification des patients répondant le mieux à ces traitements, la comparaison directe avec les ARM, et la standardisation des protocoles de surveillance.

Des données à long terme sur la réduction des événements cardiovasculaires (au-delà de la baisse tensionnelle) seront essentielles pour établir ces médicaments comme des options thérapeutiques majeures.

Pour les patients, ces avancées représentent un espoir de meilleur contrôle avec moins d’effets indésirables. Il est important de discuter de ces options avec son médecin pour une prise en charge personnalisée.

Informations sur la source

Titre original : Aldosterone Synthase Inhibition for Hypertension
Auteurs : Tomasz J. Guzik, M.D., Ph.D. et Maciej Tomaszewski, M.D.
Publication : Éditorial du New England Journal of Medicine
Date : 30 août 2025

Cet article s’appuie sur une recherche évaluée par des pairs et vise à informer sur les avancées thérapeutiques. Consultez toujours un professionnel de santé avant toute modification de traitement.