Traitements efficaces pour ralentir la progression de la myopie chez l'enfant : un guide complet

Can we help?

Cette revue systématique a analysé 64 études portant sur plus de 11 600 enfants afin d’identifier les traitements efficaces pour ralentir la progression de la myopie. Les collyres à forte dose d’atropine ont montré l’effet le plus marqué, réduisant la progression de l’erreur réfractive de 0,90 dioptrie et l’élongation axiale de 0,33 mm sur un an. Les lentilles de contact multifocales, l’orthokératologie et les verres de lunettes spécialisés ont également démontré des bénéfices, tandis que la sous-correction des verres conventionnels s’est avérée inefficace. La qualité des preuves variait de très faible à modérée, soulignant la nécessité d’études à plus long terme et d’un meilleur signalement des effets secondaires.

Traitements efficaces pour ralentir la progression de la myopie infantile : un guide complet

Table des matières

Comprendre la myopie et l'importance de son contrôle

La myopie, communément appelée « vision de près », est un trouble de la vision dans lequel les objets éloignés apparaissent flous tandis que les objets proches restent nets. Ce phénomène se produit lorsque le globe oculaire s’allonge excessivement, ce qui entraîne une focalisation de la lumière en avant de la rétine plutôt que directement sur celle-ci. La myopie est devenue un problème de santé publique mondial, touchant plus de la moitié des enfants en Chine et dans les pays d’Asie du Sud-Est.

Ce trouble se développe généralement avant l’âge de 10 ans et peut progresser rapidement durant l’enfance. Au-delà de l’inconvénient d’une vision floue de loin, la myopie comporte des risques à long terme importants : l’œil allongé étire la rétine, augmentant la probabilité de pathologies oculaires graves telles que le glaucome, la dégénérescence maculaire et le décollement de rétine.

Bien que les lunettes et lentilles de contact conventionnelles corrigent la vision floue, elles ne ralentissent pas la progression sous-jacente de la myopie. Cette revue systématique a examiné si des traitements spécialisés pouvaient effectivement freiner l’aggravation de la myopie et réduire l’élongation oculaire dangereuse chez les enfants.

Méthodologie de cette revue systématique

Les chercheurs ont réalisé une analyse exhaustive de tous les essais contrôlés randomisés disponibles (étalon-or de la recherche médicale) publiés jusqu’en février 2022. Ils ont inclus 64 études portant sur 11 617 enfants âgés de 4 à 18 ans, la majorité des études ayant été menées en Chine et en Asie (39 études, 60,9 %) et en Amérique du Nord (13 études, 20,3 %).

La revue a comparé diverses interventions à des groupes témoins recevant généralement des verres unifocaux standard ou des traitements placebo. Les études duraient entre 1 et 3 ans, permettant d’évaluer les effets à court et à plus long terme. L’équipe a évalué deux critères de jugement principaux :

  • Changement de l’équivalent sphérique (ES) – mesurant le degré de myopie en dioptries
  • Changement de la longueur axiale – mesurant l’élongation du globe oculaire en millimètres

Les chercheurs ont utilisé des méthodes statistiques rigoureuses, incluant une méta-analyse en réseau pour comparer les traitements directement et indirectement, et ont évalué la qualité des preuves à l’aide du système GRADE, qui variait de très faible à modérée selon les comparaisons.

Résultats à un an : les traitements les plus efficaces

Au terme d’un an, les chercheurs ont analysé les données de 38 études impliquant 6 525 participants. Les groupes témoins (enfants utilisant des verres unifocaux standard) ont montré une progression médiane de -0,65 dioptrie, ce qui signifie que leur vision s’est généralement détériorée de cette valeur.

Les traitements les plus efficaces pour réduire la progression de l’erreur réfractive incluaient :

  • Atropine forte dose (AFD) : réduction de 0,90 D (IC 95 % 0,62 à 1,18)
  • Atropine dose modérée (ADM) : réduction de 0,65 D (IC 95 % 0,27 à 1,03)
  • Lunettes à défocus périphérique (LDP) : réduction de 0,51 D (IC 95 % 0,19 à 0,82)
  • Atropine faible dose (AFaD) : réduction de 0,38 D (IC 95 % 0,10 à 0,66)
  • Pirénzépine : réduction de 0,32 D (IC 95 % 0,15 à 0,49)
  • Lentilles de contact souples multifocales (LCSM) : réduction de 0,26 D (IC 95 % 0,17 à 0,35)
  • Lunettes multifocales : réduction de 0,14 D (IC 95 % 0,08 à 0,21)

Les traitements montrant peu ou pas de bénéfice incluaient les lentilles rigides perméables au gaz (0,02 D, IC 95 % -0,05 à 0,10), la 7-méthylxanthine (0,07 D, IC 95 % -0,09 à 0,24) et les verres unifocaux sous-corrigés (-0,15 D, IC 95 % -0,29 à 0,00). Fait intéressant, la sous-correction (prescrire des corrections plus faibles que nécessaires) a montré une tendance à de moins bons résultats que la correction totale.

Résultats à deux ans : bénéfices durables et tendances émergentes

Au terme de deux ans, 26 études portant sur 4 949 participants ont fourni des données à plus long terme. Les groupes témoins ont montré une progression médiane de -1,02 dioptrie, illustrant comment la myopie s’aggrave typiquement sans intervention.

Les traitements conservant leur efficacité à deux ans incluaient :

  • Atropine forte dose (AFD) : réduction de 1,26 D (IC 95 % 1,17 à 1,36)
  • Atropine dose modérée (ADM) : réduction de 0,45 D (IC 95 % 0,08 à 0,83)
  • Pirénzépine : réduction de 0,41 D (IC 95 % 0,13 à 0,69)
  • Lunettes à défocus périphérique (LDP) : réduction de 0,34 D (IC 95 % -0,08 à 0,76) – bien que les résultats aient été inconstants
  • Lentilles de contact souples multifocales (LCSM) : réduction de 0,30 D (IC 95 % 0,19 à 0,41)
  • Atropine faible dose (AFaD) : réduction de 0,24 D (IC 95 % 0,17 à 0,31)
  • Lunettes multifocales : réduction de 0,19 D (IC 95 % 0,08 à 0,30)

Les lentilles rigides perméables au gaz ont montré des résultats variables entre les études, tandis que les verres unifocaux sous-corrigés continuaient à ne montrer aucun bénéfice (0,02 D, IC 95 % -0,05 à 0,09). L’effet durable de l’atropine forte dose était particulièrement notable, son bénéfice passant de 0,90 D à un an à 1,26 D à deux ans.

Résultats sur la longueur axiale : mesure de l'élongation oculaire

Les mesures de la longueur axiale (élongation oculaire) sont peut-être plus importantes que les changements de l’erreur réfractive, car cette modification physique est à l’origine des complications graves de la forte myopie.

À un an (36 études, 6 263 participants), les groupes témoins ont montré une élongation axiale médiane de 0,31 mm. Les traitements les plus efficaces pour réduire l’élongation oculaire incluaient :

  • Atropine forte dose (AFD) : réduction de -0,33 mm (IC 95 % -0,35 à -0,30)
  • Atropine dose modérée (ADM) : réduction de -0,28 mm (IC 95 % -0,38 à -0,17)
  • Orthokératologie : réduction de -0,19 mm (IC 95 % -0,23 à -0,15)
  • Lunettes à défocus périphérique (LDP) : réduction de -0,13 mm (IC 95 % -0,24 à -0,03)
  • Atropine faible dose (AFaD) : réduction de -0,13 mm (IC 95 % -0,21 à -0,05)
  • Lentilles de contact souples multifocales (LCSM) : réduction de -0,11 mm (IC 95 % -0,13 à -0,09)
  • Pirénzépine : réduction de -0,10 mm (IC 95 % -0,18 à -0,02)
  • Lunettes multifocales : réduction de -0,06 mm (IC 95 % -0,09 à -0,04)

À deux ans (21 études, 4 169 participants), les groupes témoins ont montré une élongation de 0,56 mm. Les traitements efficaces incluaient :

  • Atropine forte dose (AFD) : réduction de -0,47 mm (IC 95 % -0,61 à -0,34)
  • Atropine dose modérée (ADM) : réduction de -0,33 mm (IC 95 % -0,46 à -0,20)
  • Orthokératologie : réduction de -0,28 mm (IC 95 % -0,38 à -0,19)
  • Lentilles de contact souples multifocales (LCSM) : réduction de -0,15 mm (IC 95 % -0,19 à -0,12)
  • Atropine faible dose (AFaD) : réduction de -0,16 mm (IC 95 % -0,20 à -0,12)
  • Lunettes multifocales : réduction de -0,07 mm (IC 95 % -0,12 à -0,03)

Les lunettes à défocus périphérique ont montré un bénéfice potentiel (-0,20 mm, IC 95 % -0,45 à 0,05) mais avec des résultats inconstants, tandis que les verres unifocaux sous-corrigés (-0,01 mm, IC 95 % -0,06 à 0,03) et les lentilles rigides perméables au gaz (0,03 mm, IC 95 % -0,05 à 0,12) n’ont montré aucun effet significatif.

Préoccupations de sécurité et effets secondaires

La revue a identifié des limitations significatives dans la façon dont les études rapportaient les événements indésirables et l’observance thérapeutique. Une seule étude a rapporté les impacts sur la qualité de vie, créant d’importantes lacunes dans notre compréhension de l’expérience quotidienne avec ces traitements.

Sur la base des preuves disponibles et de l’expérience clinique :

  • L’atropine forte dose cause couramment une photophobie et des difficultés de vision de près (accommodation), pouvant affecter la lecture et les performances scolaires
  • Les lentilles de contact (multifocales et orthokératologie) comportent des risques infectieux, particulièrement les ulcères cornéens, nécessitant une hygiène stricte
  • L’orthokératologie implique un port nocturne de lentilles, comportant des risques supplémentaires comparé au port diurne
  • La plupart des traitements optiques spécialisés sont plus coûteux que les lunettes standard

Le signalement inconstant des effets secondaires signifie que les familles devraient avoir des discussions détaillées avec leurs ophtalmologistes sur les risques potentiels et les nécessités de suivi pour toute approche thérapeutique choisie.

Associations thérapeutiques et effets rebond

La revue a trouvé des preuves non concluantes concernant un possible effet « rebond » (progression accélérée) après l’arrêt du traitement. Certaines études suggéraient qu’après l’arrêt de l’atropine, particulièrement aux doses plus élevées, les enfants pourraient connaître une progression plus rapide, mais les preuves n’étaient pas constantes entre les études.

Peu d’études ont examiné les thérapies combinées (utilisant plusieurs approches simultanément), ce qui représente un domaine important pour la recherche future. La méta-analyse en réseau était limitée par une faible connectivité entre les études, signifiant que la plupart des estimations versus témoin étaient aussi, ou plus, imprécises que les comparaisons directes.

Aucune étude n’a évalué les interventions environnementales comme l’augmentation du temps passé à l’extérieur ou la réduction du travail de près, malgré certaines preuves suggérant que ces facteurs pourraient influencer le développement et la progression de la myopie.

Limitations importantes à considérer

Cette revue systématique présentait plusieurs limitations affectant l’interprétation des résultats :

  • Le niveau de certitude des preuves variait de très faible à modéré selon les comparaisons
  • La plupart des études ont été menées sur des populations asiatiques, ce qui limite la généralisation à d’autres groupes ethniques
  • Signalement incohérent des événements indésirables et de l’observance thérapeutique
  • Données à long terme limitées au-delà de 2-3 ans
  • Les réseaux peu connectés dans la méta-analyse ont limité la comparaison entre les traitements
  • Aucune évaluation économique n’était disponible pour juger de la rentabilité
  • Une seule étude a mesuré les impacts sur la qualité de vie

Ces limites signifient que si nous pouvons identifier des traitements prometteurs, nous avons moins de certitude quant à leur comparaison directe et à leur profil de sécurité à long terme.

Implications cliniques pour les patients et les familles

Cette revue fournit les preuves les plus complètes à ce jour que plusieurs interventions peuvent efficacement ralentir la progression de la myopie chez l’enfant. Les résultats suggèrent que :

  • Les traitements pharmacologiques, particulièrement les collyres à l’atropine, montrent les effets les plus forts, les doses plus élevées étant plus efficaces mais causant plus d’effets secondaires
  • Les traitements optiques spécialisés incluant les lentilles de contact multifocales, l’orthokératologie et certaines montures de lunettes procurent une réduction significative de la progression
  • La sous-correction (prescrire des verres plus faibles que nécessaire) est inefficace et potentiellement nocive
  • Les décisions thérapeutiques doivent équilibrer efficacité, effets secondaires, coût et facteurs liés au mode de vie
  • Une surveillance régulière reste essentielle quelle que soit l’approche thérapeutique

Les familles doivent comprendre que ces traitements ralentissent la progression mais ne l’arrêtent généralement pas complètement, et que les enfants auront toujours besoin d’une correction visuelle pendant le traitement.

Recommandations pratiques pour les parents

Sur la base de ces preuves, les parents d’enfants myopes devraient :

  1. Initier une discussion précoce avec un professionnel de santé oculaire sur les options de prise en charge de la myopie
  2. Envisager l’initiation d’un traitement surtout si l’enfant est jeune et progresse rapidement
  3. Évaluer les options de manière holistique – considérer l’efficacité, les effets secondaires, le coût et la praticité pour le mode de vie de votre enfant
  4. Prioriser la sécurité – particulièrement avec les options de lentilles de contact, assurez-vous que votre enfant peut respecter les exigences d’hygiène
  5. Maintenir un suivi régulier – la plupart des traitements nécessitent une surveillance continue tous les 4-6 mois
  6. Combiner les approches – bien que les preuves soient limitées, combiner les traitements avec des modifications comportementales (temps accru à l’extérieur, pauses visuelles) peut procurer un bénéfice additionnel
  7. Gérer les attentes – ces traitements ralentissent mais n’arrêtent pas la progression ; votre enfant aura toujours besoin de prescriptions mises à jour

Besoins de recherche future

Cette revue a identifié des lacunes critiques dans nos connaissances qui nécessitent des recherches futures :

  • Études à long terme (5+ ans) pour comprendre les effets soutenus et la sécurité
  • Comparaisons directes entre traitements actifs plutôt qu’avec seulement des groupes témoins
  • Études de thérapie combinée évaluant les effets synergiques
  • Meilleur signalement des événements indésirables et des impacts sur la qualité de vie
  • Évaluations économiques pour comprendre la rentabilité
  • Études sur des populations ethniques diverses
  • Recherche sur les interventions environnementales et leur rôle potentiel
  • Mesures de résultats standardisées pour améliorer la comparabilité entre les études

Les auteurs maintiennent ceci comme une « revue systématique vivante » qui sera mise à jour au fur et à mesure que de nouvelles preuves émergent, garantissant que les patients et les cliniciens aient accès aux informations les plus actuelles.

Informations sur la source

Article original : Interventions pour le contrôle de la myopie chez l’enfant : une revue systématique vivante et une méta-analyse en réseau

Auteurs : Lawrenson JG, Shah R, Huntjens B, Downie LE, Virgili G, Dhakal R, Verkicharla PK, Li D, Mavi S, Kernohan A, Li T, Walline JJ

Publication : Cochrane Database of Systematic Reviews 2023, Issue 2. Art. No.: CD014758

DOI : 10.1002/14651858.CD014758.pub2

Cet article adapté aux patients est basé sur une recherche évaluée par des pairs de la Cochrane Database of Systematic Reviews, qui représente le standard le plus élevé en médecine fondée sur les preuves.