Comprendre les tumeurs neuroendocrines pulmonaires : un guide complet à l'intention des patients

Comprendre les tumeurs neuroendocrines pulmonaires : un guide complet à l'intention des patients

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Cette revue complète explore les tumeurs neuroendocrines pulmonaires (TNEP), un groupe rare de cancers qui se développent à partir de cellules nerveuses et hormonales spécialisées dans les poumons. Les chercheurs ont analysé 78 études pour mieux comprendre ces tumeurs complexes, qui vont du carcinome typique à croissance lente au cancer du poumon à petites cellules, extrêmement agressif. L’article met en lumière des informations essentielles sur le diagnostic, les marqueurs moléculaires, les approches thérapeutiques et les comportements distincts de ces tumeurs selon leurs caractéristiques spécifiques, soulignant qu’une classification précise est déterminante pour choisir la meilleure stratégie de traitement et anticiper le pronostic.

Comprendre les tumeurs neuroendocrines pulmonaires : guide complet pour les patients

Sommaire

Introduction aux tumeurs neuroendocrines pulmonaires

Les tumeurs neuroendocrines pulmonaires (TNEP) forment un groupe de cancers rares qui se développent à partir de cellules spécialisées, dites neuroendocrines. Ces cellules présentent à la fois des caractéristiques nerveuses et hormonales. Dans les poumons, on les appelle cellules de Kulchitsky ou cellules argentaffines.

Décrites pour la première fois au début du XXᵉ siècle par Siegfried Oberndorfer, ces tumeurs ont la particularité de croître généralement plus lentement que les cancers classiques. Le poumon est la deuxième localisation la plus fréquente des tumeurs neuroendocrines après le tube digestif. Les TNEP représentent environ 25 % de toutes les tumeurs neuroendocrines et 1 à 2 % des cancers pulmonaires, bien que certains experts estiment qu’elles pourraient atteindre 20 % des cas de cancer du poumon.

Leur complexité tient à leur extrême variabilité : elles vont de tumeurs à croissance lente et peu agressives à des cancers très agressifs et rapidement disséminants. Cette diversité de comportements rend essentiel un diagnostic et une classification précis pour adapter la stratégie thérapeutique et évaluer le pronostic.

Méthodologie de l’étude

Cet article repose sur une revue systématique de la littérature médicale publiée entre 1981 et 2020. Les chercheurs ont mené une recherche dans les bases de données à l’aide de mots-clés spécifiques aux tumeurs neuroendocrines pulmonaires.

Sur 103 études initialement identifiées, 78 ont été retenues après application de critères stricts — exclusion des articles non anglophones et de ceux dont le texte intégral n’était pas disponible. Ces études de haute qualité ont fait l’objet d’une analyse approfondie.

L’équipe de recherche réunissait des spécialistes de diverses disciplines : chirurgie thoracique, médecine interne, chirurgie cardiovasculaire, anesthésiologie et gynécologie, offrant ainsi une expertise pluridisciplinaire pour aborder ces tumeurs complexes.

Épidémiologie de ces tumeurs

Les tumeurs neuroendocrines pulmonaires sont considérées comme rares. Leur incidence varie selon le type :

  • Les carcinoïdes pulmonaires : 0,2 à 2 cas pour 100 000 personnes aux États-Unis et dans l’Union européenne
  • Une augmentation alarmante de l’incidence allant jusqu’à 6 % par an a été observée pour les TNEP
  • Une étude américaine (2004-2014) a relevé une hausse annuelle de 7 % des cas
  • Une autre étude a montré une incidence passant de 1,09 pour 100 000 en 1990 à 5,25 pour 100 000 en 2004

Cette augmentation semble surtout due aux tumeurs carcinoïdes plutôt qu’aux formes plus agressives. Les tumeurs pulmonaires comprennent 75 à 80 % de tumeurs neuroendocrines, réparties comme suit :

  • 1 à 2 % de tumeurs carcinoïdes
  • 3 % de carcinomes neuroendocrines à grandes cellules (CNGPC)
  • 15 à 20 % de cancers pulmonaires à petites cellules (CPPC)

Les carcinoïdes pulmonaires surviennent généralement entre 40 et 60 ans, avec un âge médian de 45 ans. Ce sont les tumeurs pulmonaires primaires les plus fréquentes chez l’enfant et l’adolescent. Contrairement aux autres cancers pulmonaires, le tabagisme n’est pas un facteur de risque significatif pour les carcinoïdes, bien qu’il soit fortement associé au CPPC et au CNGPC.

Les carcinoïdes typiques sont environ 10 fois plus fréquents que les atypiques, mais ces derniers métastasent dans 50 % des cas. Environ 28 % des patients présentent des métastases synchrones (détectées en même temps que la tumeur primitive) au moment du diagnostic.

Types et grades des tumeurs neuroendocrines pulmonaires

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe les tumeurs neuroendocrines pulmonaires en quatre catégories principales selon leurs caractéristiques microscopiques :

Carcinoïde typique (CT) : Aspect carcinoïde au microscope, avec moins de 2 mitoses par 2 mm² (soit 10 champs à fort grossissement), absence de nécrose, et taille ≥ 0,5 cm.

Carcinoïde atypique (CA) : Morphologie carcinoïde avec 2 à 10 mitoses par 2 mm² ou présence de nécrose (souponctiforme).

Carcinome neuroendocrine à grandes cellules (CNGPC) : Architectures neuroendocrines (amas organoïdes, palissades, travées), index mitotique > 11 par 2 mm² (médiane : 70), souvent de larges plages de nécrose. Cellules de grande taille avec faible rapport nucléo-cytoplasmique.

Cancer pulmonaire à petites cellules (CPPC) : Petites cellules à cytoplasme réduit, chromatine fine granulaire, absence de nucléoles, index mitotique très élevé (médiane : 80 par 2 mm²) et nécrose étendue fréquente.

En 2018, l’OMS et le Centre international de recherche sur le cancer ont établi un système de grading :

  • G1 : Carcinome neuroendocrine bien différencié (carcinoïde typique)
  • G2 : Carcinome neuroendocrine modérément différencié (carcinoïde atypique)
  • G3 : Carcinome neuroendocrine peu différencié (inclut CNGPC et CPPC)

Certains chercheurs proposent de subdiviser les tumeurs neuroendocrines de haut grade en trois types selon leurs caractéristiques moléculaires : TNEP primitives agressives de haut grade (70-75 % des CPPC), TNEP secondaires de haut grade (20-25 %), et TNEP indolentes (5 %, incluant certains carcinoïdes chez les femmes et les jeunes).

Lésions précancéreuses

Certaines TNEP pourraient se développer à partir de lésions précancéreuses, notamment l’hyperplasie des cellules neuroendocrines pulmonaires, souvent observée dans les maladies pulmonaires chroniques (bronchectasies, bronchiolite oblitérante, maladie interstitielle).

Dans environ 25 % des carcinoïdes, on retrouve une hyperplasie neuroendocrine dans le tissu pulmonaire adjacent. Lorsque cette prolifération forme des nodules de moins de 0,5 cm, on parle de « tumorlet ». Ceux-ci ne présentent ni mitose ni nécrose et ont un faible index Ki67.

Une autre condition, l’hyperplasie neuroendocrine cellulaire pulmonaire idiopathique diffuse (DIPNECH), associe fibrose et petits agrégats nodulaires de cellules neuroendocrines. Elle touche surtout les femmes et les patients atteints de bronchiolite oblitérante. Environ 5 % des carcinoïdes typiques et atypiques sont associés à la néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1), un syndrome génétique.

Certaines tumeurs présentent une « différenciation multidirectionnelle », c’est-à-dire qu’elles contiennent différents types cellulaires (cellules à mucus, cellules squameuses) aux côtés des composantes neuroendocrines, ce qui explique les formes mixtes occasionnelles.

Symptômes et manifestations cliniques

Les symptômes des TNEP dépendent de la localisation, du type, de la taille et de l’agressivité de la tumeur. Les manifestations les plus fréquentes des carcinoïdes incluent :

  • Toux
  • Essoufflement (dyspnée)
  • Infections respiratoires récurrentes
  • Expectoration de sang (hémoptysie)

Les TNEP périphériques sont souvent asymptomatiques et découvertes fortuitement. Selon leur activité hormonale, on distingue :

Tumeurs fonctionnelles (sécrétantes) : Produisent des hormones ou précurseurs hormonaux. Plus de 90 % des TNEP sont non fonctionnelles, mais lorsqu’elles sécrètent, elles peuvent provoquer :

  • Syndrome de Cushing (sécrétion d’ACTH)
  • SIADH (sécrétion inappropriée d’ADH)
  • Syndrome carcinoïde (sécrétion de sérotonine)

Tumeurs non fonctionnelles : Ne produisent pas d’hormones significatives.

Certains syndromes paranéoplasiques sont associés aux TNEP, comme le syndrome myasthénique de Lambert-Eaton et le syndrome cérébelleux avec encéphalite limbique.

Stadification de ces tumeurs

La stadification des TNEP suit le système TNM utilisé pour les autres cancers pulmonaires (7ᵉ édition UICC/AJCC). Ce système s’applique à tous les types de TNEP.

Le système TNM évalue :

  • T (Tumeur) : Taille et extension de la tumeur primitive
  • N (Nodes) : Atteinte ganglionnaire
  • M (Métastases) : Extension à distance

Cette stadification est cruciale pour orienter le traitement et évaluer le pronostic. Tous les types de TNEP peuvent métastaser, mais la probabilité varie selon le type tumoral.

Caractéristiques moléculaires et biologiques

La caractérisation moléculaire des TNEP est devenue essentielle pour le diagnostic et le traitement. Les marqueurs immunologiques aident à différencier les types tumoraux :

Parmi les marqueurs couramment utilisés : chromogranine A, synaptophysine, CD56, énolase neurospécifique (NSE). L’antigène Ki-67 est particulièrement utile pour distinguer les tumeurs bien différenciées des peu différenciées. La combinaison du Ki-67, de l’index mitotique et de la nécrose permet un diagnostic plus précis.

Certaines études identifient un « carcinoïde hautement prolifératif » avec Ki-67 > 20 % mais index mitotique < 10 par mm². Les marqueurs de localisation incluent TTF1 (poumon), CDX2 (intestin), ISL et PAX8 (pancréas et rectum).

Les études génétiques révèlent :

  • Le CPPC est TTF1-positif dans > 90 % des cas
  • Les mutations TP53 et RB1 aident à différencier les sous-types de CNGPC
  • La perte de RB1 survient dans 80-100 % des TNEP de haut grade
  • Deux sous-types moléculaires de CNGPC : Type I (mutations TP53 et STK11/KEAP1, 37 %), Type II (inactivation TP53 et RB1, 42 %)

La protéine PD-L1, qui aide les cellules cancéreuses à échapper au système immunitaire, est présente dans 10,4 % des CNGPC et 5,8 % des CPPC, mais pas dans les carcinoïdes. Cela a des implications pour l’immunothérapie.

D’autres marqueurs prometteurs sont à l’étude : CXCL-12 pour les carcinoïdes atypiques, stathmine-1 pour les tumeurs de haut grade, nestine pour différencier CNGPC et carcinoïdes, et expression de DLL3 dans le CNGPC et le CPPC.

Un faible taux de 5-HIAA (métabolite de la sérotonine) avec un taux élevé de chromogranine A peut indiquer un pronostic moins favorable. Les marqueurs inflammatoires comme le rapport neutrophiles-lymphocytes (RNL) et la lactate déshydrogénase (LDH) fournissent aussi des informations pronostiques.

Démarches diagnostiques

Le diagnostic des TNEP nécessite une approche multidisciplinaire. Plus de 40 % des cas sont découverts fortuitement à la radiographie thoracique. La tomodensitométrie (TDM) thoracique avec contraste est l’examen de référence.

Pour détecter les TNEP bien différenciées, la tomographie par émission monophotonique au 99mTc-Tektrotyd (ciblant les récepteurs de la somatostatine) est très efficace. Pour les TNEP de bas grade, la TEP au 68Ga-DOTANOC offre une meilleure sensibilité.

La TEP au 18-FDG est utile pour les TNEP de bas et intermédiaire grade, avec une sensibilité comparable aux autres techniques TEP. La TEP aux récepteurs de la somatostatine est précieuse pour identifier les métastases.

La bronchoscopie est très utile, surtout pour les tumeurs bronchiques. C’est une méthode sûre et courante pour obtenir des prélèvements tissulaires.

Le processus diagnostique comprend généralement :

  1. Imagerie pour localiser la tumeur
  2. Biopsie pour prélèvement tissulaire
  3. Examen microscopique par l’anatomopathologiste
  4. Coloration immunohistochimique pour marqueurs spécifiques
  5. Tests génétiques parfois pour guider le traitement

Options thérapeutiques

L’objectif principal pour les TNEP localisées est l’exérèse chirurgicale complète. L’approche dépend de la taille, de la localisation et du type de tumeur.

Pour les TNEP avancées non résécables, les options incluent :

  • Analogues de la somatostatine pour contrôler les symptômes hormonaux
  • Évérolimus pour les tumeurs progressives
  • Thérapie par radionucléides des récepteurs peptidiques (TRRP) pour les tumeurs exprimant les récepteurs de la somatostatine
  • Chimiothérapie similaire à celle du CPPC
  • Immunothérapie pour les tumeurs exprimant PD-L1

La planification thérapeutique requiert une équipe multidisciplinaire (chirurgiens, oncologues, radio-oncologues, pneumologues, anatomopathologistes) pour élaborer des stratégies individualisées.

Implications cliniques pour les patients

Cette revue met en lumière plusieurs points importants :

Premièrement, les TNEP forment un groupe hétérogène avec des comportements et pronostics très variables. Un diagnostic précis du type et du grade est essentiel pour choisir le traitement adapté.

Deuxièmement, l’incidence croissante de ces tumeurs stimule la recherche pour mieux les comprendre et développer de meilleurs traitements. La caractérisation moléculaire permet des thérapies plus ciblées, améliorant les résultats et réduisant les effets secondaires.

Troisièmement, la complexité des TNEP nécessite une prise en charge dans des centres experts. L’approche multidisciplinaire assure une prise en charge exhaustive.

Enfin, les stratégies thérapeutiques évoluent rapidement avec les avancées de la recherche. Participer à des essais cliniques, quand c’est approprié, peut permettre d’accéder à des traitements innovants tout en contribuant à la science.

Limites de l’étude

Cette revue, bien qu’informative, présente certaines limites. En tant que revue de littérature et non recherche originale, elle est sujette au biais de publication — tendance à publier davantage les études avec résultats positifs.

Les études couvrent quatre décennies, durant lesquelles les critères diagnostiques, les classifications et les traitements ont beaucoup évolué, rendant les comparaisons difficiles.

La rareté des TNEP implique que la plupart des études portent sur de petits effectifs, limitant la puissance statistique. Beaucoup d’études sont rétrospectives, introduisant des biais potentiels.

Enfin, les progrès rapides des tests moléculaires et des thérapies ciblées peuvent rendre certaines informations obsolètes relativement vite.

Recommandations aux patients

Sur la base de cette revue, voici quelques recommandations importantes :

  1. Recherchez des soins spécialisés : En raison de leur complexité et rareté, les TNEP doivent être prises en charge dans des centres experts.
  2. Assurez-vous d’un bilan complet : Veillez à ce que le diagnostic inclue les colorations immunohistochimiques et, si besoin, des tests moléculaires pour classer précisément la tumeur.
  3. Discutez de toutes les options thérapeutiques : Selon le type et le stade, explorez les options chirurgicales, médicales et émergentes (thérapies ciblées, immunothérapie).
  4. Envisagez un conseil génétique : Environ 5 % des carcinoïdes sont associés au syndrome NEM-1 ; un conseil génétique peut être indiqué, surtout en cas d’antécédents familiaux.
  5. Renseignez-vous sur les essais cliniques : Informez-vous sur les essais disponibles pour accéder à de nouveaux traitements prometteurs.
  6. Recherchez du soutien : Contactez des associations de patients spécialisées dans les tumeurs neuroendocrines pour ressources et soutien.
  7. Maintenez un suivi à long terme : Ces tumeurs nécessitent une surveillance prolongée, car certaines peuvent récidiver tardivement.

Informations sur la source

Titre original de l’article : Tumeurs neuroendocrines pulmonaires : une revue systématique de la littérature (Revue)

Auteurs : Cornel Savu, Alexandru Melinte, Camelia Diaconu, Ovidiu Stiru, Florentina Gherghiceanu, Ștefan Dragoș Octavian Tudorica, Oana Clementina Dumitrașcu, Angelica Bratu, Irena Balescu, Nicolae Bacalbasa

Publication : Experimental and Therapeutic Medicine 23: 176, 2022

Reçu : 25 juin 2021 ; Accepté : 27 juillet 2021

DOI : 10.3892/etm.2021.11099

Cet article adapté aux patients s’appuie sur une recherche évaluée par des pairs et vise à faciliter la compréhension des informations médicales complexes sur les TNEP. Consultez toujours votre équipe soignante pour des conseils personnalisés.