Comprendre le système ACR TI-RADS : Guide à l'intention des patients pour l'évaluation des nodules thyroïdiens

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Ce guide détaille le système ACR TI-RADS, une méthode standardisée employée par les radiologues pour évaluer les nodules thyroïdiens observés à l’échographie. Il établit des critères précis afin de déterminer quels nodules justifient une biopsie et lesquels peuvent être surveillés sans intervention, dans le but de repérer les cancers significatifs tout en limitant les actes superflus pour les lésions bénignes. Le système classe les nodules de TR1 (bénin) à TR5 (hautement suspect) selon cinq caractéristiques échographiques principales et fixe des seuils de taille spécifiques pour indiquer une biopsie. Cette approche vise à concilier détection précoce du cancer et réduction du surdiagnostic et du surtraitement des pathologies thyroïdiennes à faible risque.

Comprendre le système ACR TI-RADS : Guide d’évaluation des nodules thyroïdiens à l’intention des patients

Sommaire

Introduction : Pourquoi évaluer les nodules thyroïdiens ?

Les nodules thyroïdiens sont très fréquemment observés à l’échographie cervicale. Des études montrent que jusqu’à 68 % des adultes présentent des nodules détectables par échographie haute résolution. La grande majorité de ces nodules sont bénins (non cancéreux), ce qui pose un défi majeur aux professionnels de santé : comment identifier les quelques nodules malins (cancéreux) ou nécessitant une intervention chirurgicale, sans exposer inutilement de nombreux patients à des procédures invasives.

Actuellement, la cytoponction à l’aiguille fine (CPAF) est le test de référence pour déterminer si un nodule est malin. Cependant, comme la plupart des nodules sont bénins et que même certains nodules malins (notamment ceux de moins de 1 cm) ont souvent une évolution peu agressive, tous les nodules détectés ne justifient pas une biopsie ou une chirurgie.

Cet équilibre est devenu crucial face à l’augmentation préoccupante des diagnostics de cancer thyroïdien. En Corée du Sud, le dépistage échographique systématique chez des patients asymptomatiques a entraîné une hausse rapide de l’incidence du cancer papillaire de la thyroïde, sans augmentation significative de la mortalité. Aux États-Unis, entre 2003 et 2007, le surdiagnostic (détection de tumeurs qui n’auraient pas causé de symptômes ou de décès) concernait 70 à 80 % des cas chez les femmes et 45 % chez les hommes.

Le système ACR TI-RADS a été conçu pour répondre à ce défi en offrant une méthode fiable et non invasive pour identifier les nodules justifiant une biopsie en fonction d’une probabilité raisonnable de malignité significative, contribuant ainsi à réduire les actes inutiles tout en détectant les cancers cliniquement pertinents.

Présentation du système ACR TI-RADS

L’American College of Radiology Thyroid Imaging, Reporting and Data System (TI-RADS) est une méthode standardisée permettant aux radiologues d’évaluer et de décrire les nodules thyroïdiens observés à l’échographie. Le système classe les caractéristiques échographiques en cinq catégories principales aidant à estimer le degré de suspicion de malignité.

Ces caractéristiques sont classées comme bénignes, faiblement, modérément ou fortement suspectes. Chacune se voit attribuer un score, les plus suspectes recevant les scores les plus élevés. Le radiologue sélectionne les caractéristiques applicables pour chaque nodule, additionne les points et détermine son niveau ACR TI-RADS, allant de TR1 (bénin) à TR5 (hautement suspect).

Le système propose ensuite des recommandations précises de biopsie ou de suivi échographique en fonction du niveau TR et du diamètre maximal du nodule. Pour les niveaux les plus suspects (TR3 à TR5), des seuils de taille sont définis pour indiquer quand une biopsie est recommandée. Des limites inférieures sont également établies pour le suivi des nodules TR3, TR4 et TR5, afin d’éviter des examens répétés inutiles pour des nodules probablement bénins ou sans impact clinique.

Élaboration du système

L’ACR TI-RADS a été développé par un comité d’experts radiologues réuni par l’American College of Radiology en 2012. Le comité avait trois objectifs : formuler des recommandations pour le compte-rendu des nodules thyroïdiens fortuits, établir une terminologie standardisée pour l’échographie, et créer un système TI-RADS basé sur ce langage commun.

Les recommandations résultent d’un consensus élaboré via des conférences téléphoniques, des échanges par courriel et des enquêtes en ligne. Elles s’appuient sur une revue approfondie de la littérature, l’analyse des données du programme Surveillance, Epidemiology, and End Results (SEER) du National Cancer Institute, l’évaluation des systèmes de classification existants et l’avis d’experts.

Le comité a défini plusieurs critères pour l’algorithme de classification : il devait reposer sur des caractéristiques échographiques préalablement standardisées, être facilement applicable dans différentes pratiques, pouvoir classer tous les nodules thyroïdiens, et s’appuyer autant que possible sur des preuves scientifiques.

Il est important de noter que ces recommandations servent de guide aux praticiens prenant en charge des adultes présentant des nodules thyroïdiens, et non de normes absolues. Les médecins doivent exercer leur jugement professionnel au cas par cas, et les décisions de biopsie doivent tenir compte des préférences du prescripteur, des facteurs de risque individuels, du niveau d’anxiété du patient, d’éventuelles comorbidités, de l’espérance de vie et d’autres considérations pertinentes.

Caractéristiques clés et leurs catégories

L’ACR TI-RADS évalue cinq catégories de caractéristiques nodulaires, chacune contribuant par un score au niveau global de suspicion :

Composition

Décrit la structure du nodule :

  • Kystique ou presque entièrement kystique (0 point) : Rempli de liquide, presque toujours bénin
  • Spongiforme (0 point) : Composé majoritairement (>50 %) de microkystes, fortement corrélé à la bénignité
  • Mixte kystique et solide (1 point) : Association de liquide et de tissu solide
  • Solide ou presque entièrement solide (2 points) : Principalement constitué de tissu solide

Échogénicité

Compare l’aspect du nodule au tissu thyroïdien sain :

  • Anéchogène (0 point) : S’applique aux nodules kystiques ou presque kystiques
  • Hyperéchogène ou isoéchogène (1 point) : Plus clair ou similaire au tissu thyroïdien normal
  • Hypoéchogène (2 points) : Plus sombre que le tissu thyroïdien normal
  • Très hypoéchogène (3 points) : Plus sombre que les muscles sous-hyoïdiens du cou

Forme

Évalue l’orientation du nodule :

  • Plus large que haut (0 point) : Le nodule s’étend davantage en largeur qu’en hauteur
  • Plus haut que large (3 points) : Le nodule est plus haut que large, indicateur spécifique de malignité

Contour

Décrit les bords du nodule :

  • Régulier (0 point) : Bord net et régulier
  • Flou (0 point) : Limites imprécises
  • Lobulé ou irrégulier (2 points) : Présentant des indentations, spicules ou angles
  • Extension extra-thyroïdienne (3 points) : Dépassement de la capsule thyroïdienne, signe évident de malignité

Foyers échogènes

Points hyperéchogènes à l’intérieur du nodule, pouvant correspondre à différentes structures :

  • Aucun ou grands artefacts en queue de comète (0 point) : Échos en V de plus de 1 mm de profondeur, associés au colloïde, très suggestifs de bénignité
  • Macrocalcifications (1 point) : Points hyperéchogènes grossiers avec cône d’ombre
  • Calcifications périphériques (en coquille) (2 points) : Calcifications en bordure du nodule
  • Microcalcifications ponctuées (3 points) : Petits points hyperéchogènes pouvant correspondre à des calcifications psammomateuses des cancers papillaires

Score et niveaux de risque

L’ACR TI-RADS utilise un système de score : le radiologue évalue le nodule dans les cinq catégories et additionne les points pour déterminer le niveau de risque :

TR1 - Bénin (0 point) : Caractéristiques très rassurantes. Aucune biopsie recommandée, quelle que soit la taille.

TR2 - Non suspect (2 points) : Caractéristiques minimalement inquiétantes. Aucune biopsie recommandée, quelle que soit la taille.

TR3 - Faible suspicion (3 points) : Certains signes justifient une attention mais probablement bénins. Biopsie si ≥ 2,5 cm ; suivi si ≥ 1,5 cm.

TR4 - Suspicion modérée (4-6 points) : Plusieurs caractéristiques préoccupantes. Biopsie si ≥ 1,5 cm ; suivi si ≥ 1 cm.

TR5 - Haute suspicion (7 points ou plus) : Multiples signes très suspects. Biopsie si ≥ 1 cm ; suivi si ≥ 0,5 cm.

Notons que bien qu’un nodule puisse théoriquement totaliser 0 point et être classé TR1, la plupart reçoivent au moins 2 points, car un nodule mixte kystique-solide (1 point) obtient au moins un point supplémentaire pour l’échogénicité de sa partie solide.

Recommandations de biopsie et de suivi

L’ACR TI-RADS définit des seuils de taille précis pour la biopsie selon le niveau de suspicion :

Pour les nodules TR3 (faible suspicion), la biopsie est recommandée à partir de ≥ 2,5 cm, avec un suivi suggéré dès ≥ 1,5 cm. Ce seuil élevé reflète l’analyse du comité indiquant un risque de cancer ≤ 5 % pour les TR3.

Pour les nodules TR4 (suspicion modérée), la biopsie est recommandée à partir de ≥ 1,5 cm, avec un suivi dès ≥ 1 cm. Leur risque de malignité est de 5 à 20 %.

Pour les nodules TR5 (haute suspicion), la biopsie est recommandée à partir de ≥ 1 cm, avec un suivi dès ≥ 0,5 cm. Leur risque de malignité est d’au moins 20 %.

Le comité a établi ces seuils après avoir examiné plusieurs facteurs : l’analyse d’une base de données de plus de 3 000 nodules thyroïdiens caractérisés, des données SEER montrant une légère augmentation des métastases à distance à 2,5 cm, et une légère hausse de la mortalité à 10 ans et spécifique au cancer à 3 cm.

Le système tient aussi compte de l’écart entre les mesures échographiques et les tailles anatomopathologiques réelles, l’échographie surestimant souvent les dimensions. Par exemple, dans une étude portant sur 205 carcinomes papillaires ≤1,5 cm, le diamètre moyen à l’échographie était de 2,65 ± 1,07 cm contre 1,97 ± 1,17 cm en anatomo-pathologie.

Cas particuliers

Microcarcinomes papillaires de la thyroïde

L’ACR TI-RADS rejoint d’autres recommandations en déconseillant la biopsie systématique des nodules de moins de 1 cm, même très suspects. Cependant, le système reconnaît que certains spécialistes préconisent une surveillance active, une ablation ou une lobectomie pour les microcarcinomes papillaires.

Pour cette raison, la biopsie des nodules TR5 de 5 à 9 mm peut être envisagée dans certains contextes, après décision partagée entre le médecin et le patient. Le compte-rendu doit préciser si le nodule est mesurable de façon reproductible et s’il est situé près de zones critiques (trachée ou sillon trachéo-œsophagien, où passe le nerf laryngé récurrent), car ces localisations peuvent compliquer une éventuelle chirurgie.

Signes bénins supplémentaires

Certains aspects échographiques sont très fiables pour affirmer la bénignité, comme un aspect uniformément hyperéchogène (« chevalier blanc ») ou hétérogène avec des bandes hypoéchogènes évoquant une « peau de girafe » (surtout dans la thyroïdite de Hashimoto). En raison de leur rareté relative, le comité a choisi de ne pas les intégrer formellement dans la grille ACR TI-RADS.

Compte-rendu et mesures

La mesure précise des nodules thyroïdiens est essentielle, car la taille détermine la nécessité d’une biopsie ou d’un suivi. L’ACR TI-RADS précise comment mesurer et documenter les nodules :

Les nodules doivent être mesurés dans trois dimensions : (1) le plus grand diamètre sur une coupe axiale, (2) le diamètre perpendiculaire sur la même coupe, et (3) le plus grand diamètre longitudinal sur une coupe sagittale. Pour les nodules orientés obliquement, ces mesures peuvent différer de celles utilisées pour juger de la forme, mais cela pose rarement problème en pratique.

Les mesures doivent inclure tout halo périphérique visible. Certains logiciels d’échographie permettent de calculer le volume à partir des dimensions linéaires. Quelle que soit la méthode, la cohérence au sein d’un même cabinet est importante pour assurer un suivi fiable dans le temps.

La définition d’une croissance significative est cruciale pour le suivi. Dans l’ACR TI-RADS, une croissance notable est définie par une augmentation d’au moins 20 % dans deux dimensions avec un gain minimal de 2 mm, ou une augmentation de volume ≥ 50 %. Ces critères sont alignés sur ceux d’autres sociétés savantes.

Implications cliniques pour les patients

L’élaboration de l’ACR TI-RADS reflète une évolution importante dans la prise en charge des nodules et cancers thyroïdiens. Le comité visait spécifiquement à résoudre la discordance entre l’augmentation marquée des diagnostics et traitements et l’absence d’amélioration proportionnelle des résultats à long terme.

Ce système reconnaît que diagnostiquer tous les cancers thyroïdiens n’est pas un objectif en soi. Comme d’autres sociétés, l’ACR recommande de biopsier les nodules très suspects seulement à partir de 1 cm, et ceux à faible risque seulement à partir de 2,5 cm.

Les recommandations de suivi échographique réduisent significativement le risque de passer à côté de cancers évolutifs et s’inscrivent dans une tendance croissante vers la surveillance active des cancers thyroïdiens peu agressifs.

Pour les patients, cela se traduit par :

  • Une évaluation et un compte-rendu plus cohérents entre les praticiens
  • Moins de biopsies inutiles pour les nodules clairement bénins
  • Une surveillance adaptée des nodules à risque intermédiaire
  • Une identification rapide des nodules justifiant une biopsie
  • Une meilleure décision partagée avec les soignants

Limites du système

Bien que précieux, l’ACR TI-RADS présente plusieurs limites à connaître :

Le système n’inclut pas de catégorie TR0 pour une thyroïde normale, ni de sous-catégories au sein des niveaux TR. Le comité a rejeté l’approche par motifs utilisée par d’autres organisations, car celle-ci ne permettait pas de classer 3,4 % des nodules, dont 18,2 % étaient malins.

Le système n’intègre pas la sonoélastographie, technique prometteuse évaluant la rigidité tissulaire, car elle n’est pas largement disponible.

De plus, tout antécédent de cytoponction ou d’ablation à l’éthanol doit être signalé au radiologue, car ces gestes peuvent induire un aspect suspect en échographie sans correspondre à un cancer.

Surtout, ces recommandations ne sont pas des normes absolues. Votre radiologue et votre médecin doivent exercer leur jugement en fonction de votre situation particulière, en considérant vos facteurs de risque, votre niveau d’anxiété, vos autres problèmes de santé et vos préférences.

Source

Titre original : ACR Thyroid Imaging, Reporting and Data System (TI-RADS): White Paper of the ACR TI-RADS Committee

Auteurs : Franklin N. Tessler, MD, CM; William D. Middleton, MD; Edward G. Grant, MD; Jenny K. Hoang, MBBS; Lincoln L. Berland, MD; Sharlene A. Teefey, MD; John J. Cronan, MD; Michael D. Beland, MD; Terry S. Desser, MD; Mary C. Frates, MD; Lynwood W. Hammers, DO; Ulrike M. Hamper, MD; Jill E. Langer, MD; Carl C. Reading, MD; Leslie M. Scoutt, MD; A. Thomas Stavros, MD

Publication : Journal of the American College of Radiology, 2017;14:587-595

Note : Cet article destiné aux patients s’appuie sur une recherche validée par des pairs et vise à restituer fidèlement le contenu scientifique original tout en le rendant accessible à des patients informés.